Le vignoble espagnol

Le vignoble espagnol voit le jour au IIe millénaire avant notre ère avec l’arrivée des phéniciens venus installer des comptoirs le long des côtes espagnoles. Par la suite, grecs et romains se succèdent sur la péninsule ibérique et chacun apporte sa contribution à l’implantation de la vigne.
C’est en Rioja, au milieu du XIXe siècle que la viticulture moderne voit le jour avec la création en 1850 par Luciano Murrieta du premier “rioja moderne” en barriques. Les premières appellations d’origine sont Jerez en 1935, Málaga en 1937 et Montilla-Moriles en 1945. La Rioja obtiendra l’appellation d’origine en 1947 bien qu’elle dispose d’une réglementation provisoire depuis les années 20. Après la guerre civile en 1939 et la victoire des franquistes, l’Espagne entre dans une ère d’industrialisation massive de la viticulture avec le développement d’importantes coopératives, cohabitant avec les bodegas d’origine ancienne. Tandis que les coopératives vendent leur production aux négociants de marque et commercialisent eux-mêmes les vins jeunes, les grandes bodegas “élèvent” leurs vins. En effet, à cette époque, les vins espagnols répondent plus à des critères d’élevage qu’a ceux du millésime. La demande du consommateur cherchant une qualité constante d’année en année, et l’importante capacité en barriques des grandes bodegas incitent celles-ci à pratiquer de nombreux assemblages permettant de garantir l’homogénéité des vins d’une année sur l’autre.

LA NOUVELLE ESPAGNE VINICOLE
Depuis une vingtaine d’années, le visage de l’Espagne vinicole a changé. D’importants investissements ont transformé les anciennes bodegas et les coopératives en cuveries ultramodernes et l’on attache dorénavant de l’importance au millésime. L’évolution du vin espagnol doit aussi beaucoup au fait que bon nombre de vignerons se sont affranchis des bodegas et des coopératives. Désormais, ils vinifient et embouteillent eux-mêmes leur vin, assurant ainsi la production de vins de grande qualité. Certaines bodegas ont également pris conseil auprès d’oenologues français, exploitant ainsi au mieux leur terroir. Ajoutons à cela la mise en place d’une règlementation stricte par l’intermédiaire de la création des DO (Denominación de Origen). Ainsi, plus de vingt nouvelles DO sont apparues entre 1987 et 1998. A l’heure actuelle, on en compte cinquante cinq sur tout le territoire. Des cépages presque disparus ont été sauvés et sont réimplantés dans les vignobles, offrant ainsi une grande diversité de goûts. On ne peut pas parler de la spécificité espagnole sans évoquer le climat, ou plutôt les climats puisque la péninsule ibérique subit l’influence de trois grandes zones climatiques: atlantique, méditerranéenne et continentale. De plus, le chevauchement des zones climatiques associé à un relief très varié crée des micro-climats, ajoutant encore une certaine complexité au paysage viti-vinicole ibérique. En résumé, la convergence de plusieurs paramètres anciens et nouveaux : richesse des sols, diversité des cépages, excellente exposition, modernisation des installations, vinification sophistiquée, permet aujourd’hui à l’Espagne de produire des vins très variés et de grande qualité.

RÈGLEMENTATION DE L'ÉLEVAGE
Les espagnols ont une démarche différente de celle des français consistant à ne mettre sur le marché que des vins prêts à être consommés. Les mentions Crianza, Reserva ou Gran Reserva que l’on voit sur les bouteilles espagnoles représentent la garantie d’un temps minimun passé en fût mais également d’un temps minimun passé en bouteille avant leur commercialisation.

Mention Vieillissement total

Passage

en barrique

Temps en

bouteille

Crianza 24 mois 6/12 mois Le reste du temps
Reserva 36 mois 12 mois Le reste du temps
Gran Reserva 60 mois 24 mois Le reste du temps

 

Pour ce qui concerne les crianzas, la règlementation exige un passage de 12 mois en barrique dans des régions telles La Rioja, la Navarre ou la Ribera del Duero. Dans les régions plus chaudes telles Jumilla par exemple, la réglementation n’exige que 6 mois de passage en fût. Dans La Rioja, beaucoup de bodegas allongent considérablement, par tradition, le temps de vieillissement et garantissent ainsi une qualité encore plus grande (c’est le cas de Bodegas Campillo dont nous parlerons plus loin). Le temps de vieillissement n’est pas le seul critère pour les Reserva et les Gran Reserva.
Le Reserva est élaboré avec une sélection de raisins des meilleures parcelles de la bodega. Quant au Gran Reserva, issu également de pieds sélectionnés, il n’est conçu que lors des grandes années.
Pour finir, évoquons le Vino Joven (vin jeune) qui ne passe pas en fût ou très peu et dont le vieillissement est inférieur à un an. Ce vin là se boit donc jeune et se caractérise par son goût très fruité.

Ces indications d’élevage sont mentionnées sur toutes les bouteilles issues d’une Denominación de Origen. Une petite vignette sous la contre étiquette, mentionne la DO, le millésime (Cosecha) et le niveau de qualité (crianza, reserva, gran reserva).

L’Espagne a pour tradition d’élever ses vins en fût de chêne américain mais beaucoup de bodegas utilisent de plus en plus le chêne français, souvent d’Allier.

LES CEPAGES
L’Espagne offre une quantité très variée de cépages dont une quinzaine pouvant être considérés comme spécifiquement espagnols. Quelques cépages changent de nom suivant les régions et donnent des vins différents selon le climat et les sols. Le plus connu des cépages typiques espagnols est sans doute le tempranillo, développant des arômes de fruits rouges : cerise, mûre, framboise. Il porte le nom de Tinta del País en Ribera del Duero, Cencibel dans la Mancha et le Valdepeñas, l’Ull de llebre en Catalogne, ou encore tinto de Madrid autour de la capitale. C’est de ce cépage que naissent les plus grands vins espagnols, notamment en Rioja et en Ribera del Duero. Le cépage rouge le plus répandu est la garnacha tinta mais elle est délaissée par les experts car elle a tendance à s’oxyder et supporte mal un passage en fût. Cependant, elle est très utilisée dans l’élaboration des vins rosés. On retrouve dans la garnacha tinta les arômes fruités tels la fraise et la framboise mais sa spécifité réside dans des arômes puissants d’épices qui lui confèrent son caractère. Les autres cépages autochtones sont le cariñena dominant dans les rouges catalans, le mencía cultivé dans le nord-est, le monastrell et le bobal, cépages répandus dans la zone du Levant, ou encore le graciano, cépage autochtone de la Rioja. Les trois principaux cépages rouges français, merlot, cabernet-sauvignon et syrah, ont également été plantés depuis longtemps et donnent d’excellents résultats. Pour ce qui concerne les vins blancs, les principaux cépages sont l’Airén établi dans la Mancha, le viura (ou maccabeo) servant notamment de base aux cavas et que l’on trouve un peu partout en Espagne, l’albariño propre aux zones froides et humides de Galice et réputé pour ses impressionnantes notes fruitées d’abricot, de kiwi et de fruit de la passion, le verdejo implanté en Castille (Rueda et Ribera del Duero notamment), le Godello en Valdeorras, le Parellada en Catalogne (cépage complémentaire dans l’élaboration du Cava), le palomino implanté dans la région de Jerez de la Frontera servant à l’élaboration des xérès et manzanillas, le Pedro Ximenez cultivé dans la région de Montilla-Moriles et le moscatel dominant dans la DO de Málaga.

CHIFFRES
Avec ses 1.18 millions d‘hectares plantés, l’Espagne possède la surface viticole la plus vaste du monde. Pourtant, sa production annuelle de 35 millions d’hectolitres ne la place qu’au 3e rang mondial des producteurs de vin, derrière la France et l’Italie. La sécheresse, qui empêche une trop forte densité d’encépagement et le gel qui sévit sur les hauts plateaux du centre de l’Espagne, sont les principales causes d’un rendement relativement faible.

Sources : - “Le Vin” d’André Dominé - Ed. Place des Victoires
- Europa.eu.int (l’union européenne en ligne)
- www.infoagro.com